La taxation du préciput au droit de partage

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Le préciput est le prélèvement sans indemnité d’un ou plusieurs biens communs par le survivant des époux ou l’un d’eux s’il survit. Prévu dans un contrat de mariage ou dans l’acte de changement de régime matrimonial, cet avantage matrimonial n’est pas obligatoirement stipulé en faveur de chaque époux et ne produit pas d’effet au cours du mariage, mais au décès.

Cette faculté de prélèvement sur la communauté, qui ne saurait être considérée comme une libéralité entre époux mais comme un avantage sans contrepartie par l’effet du contrat de mariage, intervient avant tout partage (C. civ., art. 1515). A l’intérêt de cette clause sur le plan civil, en ce qu’elle assure une protection efficace du conjoint survivant, s’ajoutait donc traditionnellement l’aubaine fiscale puisque le prélèvement avant partage justifiait d’écarter la taxation au titre du droit de partage.

Or, depuis quelques années, l’administration fiscale a procédé à des redressements en exigeant le versement du droit de partage en cas de prélèvement effectué au titre d’un préciput, prétextant notamment une opération intervenant certes avant le partage de succession mais concourant au partage de communauté. Les juges du fond ont eu à se prononcer à plusieurs reprises sur ce point.

Des tribunaux judiciaires se positionnent sur le préciput

Le tribunal judiciaire de Rennes, saisi du sujet, a considéré que le préciput revêtait les effets d’un partage emportant transfert de propriété sur un bien par suite de décès et justifiant ainsi l’application du droit de partage (TJ Rennes, 20 avril 2021).

De plus, les juges rennais ont retenu que la déclaration de succession mentionnant l’exercice du préciput, la condition d’existence d’un acte pour exiger le droit de partage était remplie.

Pour rappel, selon la doctrine administrative, le droit de partage est exigible lorsque 4 conditions cumulatives sont remplies :
– l’existence d’un acte,
– l’existence d’une indivision,
– la justification de l’indivision,
– l’existence d’une véritable opération de partage.

Par un jugement du 24 janvier 2022, les juges du tribunal judiciaire de Niort ont rejeté l’application du droit de partage : « Le préciput a pour objet de permettre au conjoint survivant de prélever des biens communs avant tout partage, biens qui sont réputés lui avoir appartenu dès la dissolution de la communauté, et ce, sans que cette attribution ne s’impute sur ses droits dans le cadre d’un éventuel partage ultérieur. Les biens ainsi prélevés ne feront plus partie de la masse successorale à partager. L’exercice de la clause de préciput n’a donc qu’une fonction de prélèvement par le seul conjoint survivant et non d’allotissements entre plusieurs copartageants » (TJ Niort, 24 janvier 2022).

Le tribunal judiciaire de Lille a poursuivi en ce sens, précisant que « La clause de préciput prévue à l’article 1515 du Code civil est ainsi conçue comme un avantage consenti sans contrepartie, et sans équivoque, “avant tout partage”. Les sommes ou biens concernés sont prélevés “sur la communauté”, ce qui exclut un prélèvement sur l’indivision post-communautaire (TJ LILLE, 4 avril 2022).

Enfin, les juges du tribunal judiciaire de Grenoble ont récemment confirmé cette tendance en relevant que les quatre conditions susvisées nécessaires à l’exigibilité du droit de partage n’étaient pas réunies, affirmant au soutien de cette analyse que le prélèvement intervenait avant la liquidation de la communauté, en dehors de toute situation d’indivision entre le conjoint survivant et les héritiers sur le bien prélevé et sans allotissement, et sans qu’ « aucun acte ne rende compte d’un partage ».

L’administration fiscale invoquant toujours quant à elle un mécanisme mettant fin à une situation d’indivision (bien que mis en oeuvre avant le partage de succession) comme divisant la masse de biens communs en plusieurs lots et constaté dans un acte, telles qu’une attestation de propriété ou une déclaration de succession. (TJ Grenoble, 6 mars 2023).

A RETENIR : La prudence reste donc de mise en présence d’un préciput, dans l’attente de décisions à venir, notamment sur la suite des affaires évoquées et jugées. Le notaire aura pour rôle d’alerter les parties sur la possibilité d’un redressement par l’administration fiscale au titre du non-paiement du droit de partage.

Hélène SAVARY-FAUVEL

L'équipe Rédactionnelle De Notaires Office

Les articles sont rédigés sous l’égide de la Commission Communication de la coopérative Notaire Office.

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